Ce que l’impôt anticipé prend, il le garde

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CE QUE L’IMPÔT ANTICIPÉ PREND, IL LE GARDE

 

Les conditions formelles de récupération de l’impôt anticipé ayant grevé les revenus de contribuables en Suisse ne cessent de se durcir. La déchéance du droit au remboursement tendant à devenir la règle pour les contribuables négligeants.

 

Rappel des droits au remboursement

De manière simplifiée, seules les personnes physiques domiciliées en Suisse à la date de l’échéance du revenu grevé de l’impôt anticipé ont droit au remboursement de l’impôt anticipé retenu. Ces contribuables peuvent alors demander le remboursement de l’impôt anticipé à condition :

  • Qu’ils aient eu au moment de l’échéance du revenu le droit de jouissance sur les valeurs qui ont produit le rendement soumis à l’impôt anticipé en ce qui concerne les capitaux mobiliers.
  • Qu’ils aient été propriétaires du billet de loterie au moment du tirage en ce qui concerne les gains faits dans les loteries.

Perte du droit au remboursement

La base légale topique en la matière stipule : « Celui qui, contrairement aux prescriptions légales, n’indique pas aux Autorités fiscales compétentes un revenu grevé de l’impôt anticipé ou de la fortune d’où provient ce revenu perd le droit au remboursement de l’impôt anticipé déduit de ce revenu. »

Les prescriptions légales découlent de la Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct qui stipule notamment : « Le contribuable doit remplir la formule de déclaration d’impôt de manière conforme à la vérité et complète, il doit la signer personnellement et la remettre à l’Autorité compétente avec les annexes prescrites dans le délai qui lui est imparti. »

Et encore : « Les personnes physiques doivent joindre à leur déclaration … l’état complet des titres et des créances … » .

Durcissement des conditions de déchéance du droit au remboursement

Par le passé, le contribuable bénéficiait d’une certaine souplesse, voire mansuétude dans la perception par l’Administration du respect des conditions de déclaration. Suite à divers arrêts du Tribunal fédéral, initiés dans des procédures par refus de l’Administration de procéder au remboursement des impôts anticipés, les conditions de déchéance du droit de remboursement au remboursement de l’impôt anticipé pour les personnes physiques ont été précisées. Fort de ces précisions, une nouvelle circulaire de l’Administration fédérale des contributions a été édictée avec entrée en vigueur dès la période fiscale 2014 et bien entendu pour toutes les périodes fiscales subséquentes.

Du contenu de la circulaire

La circulaire rappelle tout d’abord que pour être régulièrement déclarés, les revenus doivent avoir été indiqués par le contribuable aux Autorités fiscales compétentes :

  • Soit dans la déclaration fiscale (première déclaration fiscale consécutive à l’échéance du rendement !)
  • Soit si le contribuable a omis une telle déclaration, il peut annoncer spontanément les revenus imposables grevés de l’impôt anticipé après le dépôt de sa déclaration mais au plus tard jusqu’à l’entrée en force de la taxation ordinaire.

A ce stade, les contribuables pourraient être confortés dans une application assez souple puisqu’en cas d’omission dans leur déclaration, il leur restait une seconde chance jusqu’à l’entrée en force de la taxation ordinaire.

Cependant, la circulaire précise la non-conformité d’une déclaration dans les cas suivants :

  • Evidemment, lorsque la déclaration du rendement imposable grevé de l’impôt anticipé est effectué après l’entrée en force de la taxation ordinaire.
  • Par contre ce qui est beaucoup moins évident est la non-conformité d’une déclaration de rendement imposable grevé de l’impôt anticipé qui est effectué, suite à une demande, une injonction ou une quelconque intervention de l’Autorité fiscale au sujet de ces rendements.

Clauses rigoristes

Avec cette réserve, l’Administration refusera le remboursement de l’impôt anticipé dans les cas notamment suivants :

  • Lorsqu’ensuite d’une déclaration déposée par le contribuable, l’Administration interpelle le contribuable pour lui poser des questions sur ses rendements (par exemple parce qu’elle constate que l’année précédente le contribuable disposait d’un compte respectivement des actifs qui ne figurent plus dans sa déclaration) et alors quelle que soit la réponse du contribuable ça sera trop tard, il ne pourra plus récupérer l’impôt anticipé sur les revenus omis et cela nonobstant que la taxation ne soit pas encore entrée en force !
  • Il va sans dire qu’il en ira de même dans les cas où les héritiers déclarent spontanément à l’Administration dans le cadre d’une procédure de rappel simplifiée non punissable des éléments non déclarés par le défunt ; cela ne leur permettra pas de recouvrir l’impôt anticipé retenu alors. Il y aura donc taxation du 100% du revenu au taux d’imposition ordinaire en plus de la retenue de 35% effectuée alors.

Casuistiques

Bien sûr, l’on pourrait de premier abord se dire qu’il est normal qu’un contribuable n’ayant pas déclaré un revenu ne puisse obtenir le remboursement de l’impôt anticipé retenu.

Toutefois, nombre de cas surviennent soit par oubli, négligence ou mauvaise retranscription dans les déclarations d’impôts par les contribuables.

Par le passé, une correction pouvait éventuellement être effectuée ensuite d’une demande de l’Administration. Désormais, toute demande de l’Administration privera le contribuable du remboursement.

En conséquence, il convient d’être particulièrement scrupuleux lors du dépôt de la déclaration fiscale notamment dans les circonstances suivantes :

  • Déclaration faite dans l’urgence afin de respecter un délai ; le contribuable dépose une déclaration en se disant qu’il l’a complètera par la suite …
  • Oubli de déclarer un revenu (par exemple un dividende ou un coupon d’obligation) dès lors que l’obligation respectivement l’action a été cédée avant le 31 décembre de l’année fiscale. Souvent le contribuable omet la déclaration du revenu perçu avant la vente respectivement la cession puisqu’au 31 décembre de l’année fiscale il ne dispose plus du titre.
  • Modification des comptes bancaires. Lors de la clôture d’un compte bancaire en cours d’année, la réouverture d’un nouveau compte, il peut être omis de déclarer le revenu grevé d’impôt anticipé du compte clôturé nonobstant que le compte ré-ouvert soit dûment déclaré.
  • Mauvaise perception de l’année fiscale dans laquelle doit être déclaré un dividende versé par une société anonyme non cotée (dividende de l’exercice 2014 versé en 2015 ; dividende intérimaire de l’exercice 2014 versée encore en 2014, etc.).

Des taxations d’office

Lorsqu’un contribuable se fait taxer d’office, cela résulte soit du fait qu’il n’a pas remis sa déclaration d’impôt dans le délai imparti, soit qu’il n’a pas mentionné dans sa déclaration tous les éléments permettant à l’Administration d’effectuer une taxation complète (et souvent l’Administration interpelle le contribuable qui si, il ne répond pas de façon circonstanciée, se voit infliger une taxation d’office partielle).

Dans de telles occurrences, le contribuable qui dépose a posteriori une déclaration fiscale complète en tant que moyen de preuve dans le cadre d’une procédure de réclamation se verra fondé à récupérer l’impôt anticipé.

SAUF, si la taxation d’office avait été rendue non pas par défaut de déclaration dans le délai mais pour une raison de taxation d’office partielle ; le contribuable se verra alors déchu de son droit à récupérer l’impôt anticipé (si bien entendu le revenu n’avait pas été déclaré dans la partie de la déclaration n’ayant pas fait l’objet d’une taxation d’office partielle).

Conclusion

Le contribuable doit prendre conscience que cette évolution qui consiste à être extrêmement rigoriste dans l’application des dispositions légales. Toute demande de renseignements de l’Administration pouvant désormais être lourde de conséquences.

A l’avenir, les contribuables devront être extrêmement attentifs aux éléments figurants dans la déclaration qu’ils déposent et ne pas penser qu’ils pourront les compléter, le cas échéant.

Publiée le 09 novembre 2015

 

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Par Maître Michel LAMBELET Avocat – expert en fiscalité.

Tout l’immobilier, la Chronique de l’AGEDEC, (Association genevoise pour la défense du contribuable), association créée en 2005 dont les membres fondateurs ont été Monsieur et Madame LARPIN ainsi que Me LAMBELET.

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