Evaluation fiscale des immeubles: la cigale et les fourmis

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Incapable de gérer de façon parcimonieuse les fonds qui lui ont été confiés par les contribuables, l’Etat veut maintenant saigner notamment les retraités propriétaires.

De quoi s’agit-il ?

Afin d’accroître les entrées fiscales, le Département des Finances souhaite changer les dispositions concernant l’évaluation des immeubles occupés par leur propriétaire.

Les règles d’estimation pour les propriétaires d’un immeuble occupé par eux-mêmes reposent depuis des lustres sur l’estimation selon la valeur d’acquisition avec une réduction pour chaque année d’occupation permettant une diminution de 4% de la valeur fiscale mais au maximum une réduction de 40%.

Ce n’est que lors de la vente d’un bien immobilier et lorsque la plus-value éventuelle est réalisée que l’immeuble voit sa valeur d’estimation changer pour reprendre la valeur de vente, respectivement d’acquisition du nouveau propriétaire.

Nouveau système envisagé

La modification de l’estimation d’un bien immobilier occupé par son propriétaire repose donc actuellement sur la valeur d’acquisition et il est envisagé de modifier cette valeur par une valeur vénale telle qu’estimée au 31 décembre de chaque année fiscale.

En d’autres termes, il s’agit de taxer les propriétaires occupant leur logement sur la base d’une plus-value putative éventuelle non réalisée et qui pourrait fluctuer au gré des circonstances externes (bulle immobilière, etc.) ou « interne » (décision de l’Etat de déclassement, d’infliger des restrictions de propriété ou d’expropriation…).

Il va sans dire que si la « valeur d’estimation revue » devait être réduite dans l’avenir, aucun remboursement des impôts payés sur la « surestimation » ne sera prévu.

Les foumis visées

Le remplacement d’une valeur « vénale » en lieu et place de la valeur d’acquisition, nonobstant toutes les critiques que l’on peut formuler sur cette façon d’appréhender « la fortune » d’un contribuable, conduit inéluctablement à ce que les contribuables ayant acquis leur bien immobilier depuis de nombreuses années soient particulièrement visés puisque la différence entre leur valeur d’acquisition et la nouvelle valeur vénale sera très importante.

Les contribuables qui ont acquis il y a plusieurs décennies un bien immobilier dans un but de prévoyance et pour s’assurer un logement abordable à leur retraite seront tout particulièrement touchés par ces nouvelles dispositions.

Il s’agit là d’une réécriture de la fable de la cigale et la fourmi; la cigale étant un Etat qui depuis des décennies ne peut se résoudre à gérer correctement les deniers qui lui sont remis par les citoyens, n’hésitant pas à les endetter à des montants qui feraient même frémir les grecques (avec un endettement de quelque 12 milliards et en produit annuel de l’ordre de quelque 7 milliards, le canton de Genève se trouve à plus de 170% d’endettement alors que nous critiquions les grecques qui présentaient un endettement de 160%…).

Les fourmis étant tous les citoyens-contribuables qui ont pris la peine de faire des efforts et d’être prévoyants en acquérant notamment un toit pour leurs vieux jours.

Cauchemar financier

Un contribuable qui a acquis il y trente ans une petite maison individuelle pour une somme de CHF 500’000.- connaît actuellement une taxation calculée de la façon suivante:

  • 1‰ d’impôt foncier calculé sur CHF 500’000.- soit CHF 500.-
  • Valeur d’estimation de son bien immobilier CHF 500’000.- réduit de 40% (4% par année d’occupation ininterrompue maximum 10 ans), soit CHF 300’000.- soumis à l’impôt sur la fortune, soit un montant de quelque CHF 1’500.- annuel.

Notre contribuable retraité doit donc s’acquitter au titre de sa fortune immobilière de CHF 2’000.- par année (compte non tenu de ses autres impôts, notamment calculés sur la valeur locative etc.).

En remplaçant le système actuel par un système d’estimation du bien à la valeur vénale, il s’ensuivrait que l’on remplacerait la valeur d’acquisition par la valeur d’une maison individuelle au prix d’aujourd’hui, soit une valeur d’estimation pour une villa individuelle de minimum 1,5 million de francs suisses.

Le nouveau calcul d’impôt serait le suivant:

  • Impôt foncier 1‰ de 1,5 million soit CHF 1’500.-
  • Impôt sur la fortune calculé sur une valeur d’estimation du bien immobilier de 1,5 million sans aucun abattement, soit quelque CHF 10’000.-

Aussi, notre retraité contribuable sera confronté à un impôt annuel non plus de CHF 2’000.- mais de CHF 11’500.-, soit presque 6 fois supérieur.

En d’autres termes, notre « fourmi » ne devra plus faire face pour habiter son bien immobilier à une charge mensuelle de CHF 160.- mais de CHF 960.-…

Fourmi ou non fourmi ?

Certes, actuellement les non-propriétaires pourraient être tentés de se dire que cette évolution législative ne les touchera pas. Que nenni !

Si l’on tolère une telle évolution spoliatrice des contribuables prévoyants, soyez assurés que pour rentrer de nouveaux impôts il sera, dans un avenir proche, proposé/imposé aux citoyens de calculer le taux afférent à leur fortune en tenant compte de l’ensemble de leurs biens, y compris ceux de leur prévoyance.

Ce qui reviendrait à dire qu’une personne ayant CHF 50’000.- de fortune compte tenu de la déduction sociale sur la fortune, voit son taux d’imposition s’élever à CHF 0.- et par conséquent ne paie aucun impôt sur la fortune.

En revanche, si l’on tient compte pour le calcul notamment du taux d’imposition de la fortune de la prévoyance, soit par hypothèse quelque CHF 200’000.- dans la caisse de pension, la situation va radicalement changer puisqu’il sera fait application des mêmes normes que si le contribuable détenait un immeuble de CHF 200’000.- à l’étranger, soit répartition de la déduction sociale et montant pour le taux d’imposition supérieur au montant réellement taxé au titre d’assiette fiscale.

En d’autres termes, dans notre exemple le contribuable disposant d’une fortune de quelque CHF 50’000.- se verrait taxer au titre de l’impôt sur la fortune de quelque CHF 200.-

Le clan des fourmis est donc appelé à s’élargir, si l’on laisse la cigale agir à sa guise.

 

Publié le 18 juin 2012

 

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