Fisc genevois: si l’on cessait de naviguer à vue ?

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Depuis 1997, les politiques n’arrêtent pas de changer, ou de vouloir changer, les dispositions fiscales et cela au gré de « l’air du temps » ou de prétendus besoins complémentaires de financement, alors que le système fiscal genevois connaît un correctif qui n’est jamais utilisé: le centime additionnel cantonal.

15 ans d’errance

La Suisse ayant décidé d’harmoniser les 26 systèmes fiscaux que connaissait notre pays, une loi fédérale a été édictée en 1990 et entrée en vigueur au 1er janvier 1993.

C’était donc le moment pour chacun des cantons de revoir sur le fond leur fiscalité et de produire des nouvelles normes fiscales compatibles aux nouvelles normes fédérales et mûrement pensées.

A Genève, l’on avait travaillé à établir un nouveau projet de loi dès la connaissance de l’avènement de la loi d’harmonisation fiscale et c’est ainsi qu’après plusieurs années un projet de loi 1997 avait été mis sur pied.

Toutefois, après un changement politique, les nouvelles personnes chargées du Département des Finances, à savoir Mme Micheline CALMY-REY, ce projet a été jeté aux orties et l’on a cédé depuis à la tentation d’agir dans l’urgence et sans aucune réflexion sur le fond.

C’est ainsi que la LIPP a été rédigée dans l’urgence; même « le moteur » de cette nouvelle loi fiscale, à savoir l’abandon des barèmes ordinaires pour l’introduction du fameux système du rabais d’impôt, est intervenu seulement moins de trois mois avant la promulgation de loi…

Ordre, contrordre…désordre

Le travail dans l’urgence a conduit à des errements qui ont dû être rectifiés soit par le Tribunal fédéral, qui a obligé le canton de Genève à modifier des articles de la LIPP, soit par des ajustements législatifs (corrections des barèmes, etc.).

C’est ainsi que dès 2001, la LIPP n’a eu de cesse de changer au gré des corrections indispensables, afin de rectifier une loi faite dans l’urgence et sans aucun recul.

2001-2009 et maintenant

La LIPP de 2001 n’aura pas tenu plus de 8 ans puisqu’au 1er janvier 2009 il a fallu la changer pour une nouvelle loi d’imposition des personnes physiques; les changements n’ont pas été mineurs puisque les formules utilisées pour le calcul des impôts ont été revues.

Maintenant, en 2012, l’on parle de modifier à nouveau les dispositions fiscales pour faire des réajustements en fonction d’éventuels besoins de financement.

Il est piquant de relever que des dispositions de la LIPP 2009, qui ne sont même pas encore entrées en vigueur, font déjà l’objet de changements nonobstant que l’on ne puisse même pas cerner avec précision l’impact des nouvelles dispositions (qui semblaient au demeurant indispensables en 2009 lorsqu’il s’est agi de modifier et d’admettre la nouvelle loi fiscale genevoise).

Mécanisme de la fiscalité genevoise

L’on constatera que depuis des décennies, le système fiscal genevois repose sur une loi fiscale qui permet de déterminer l’impôt de base, lequel fait l’objet d’un rajout de centimes additionnels cantonaux, puis chacune des communes, au gré de ses besoins, effectue un rajout de centimes communaux.

L’on constatera qu’annuellement la liste des centimes additionnels communaux est publiée et celle-ci varie en fonction des besoins de couverture de telle ou telle commune.

Centimes additionnels cantonaux

A Genève, le centime additionnel dévolu au canton a été fixé depuis des lustres et n’a jamais varié, nonobstant que Genève ait dû faire face à certaines périodes à des demandes de financement plus importantes (respectivement qu’elle ait dû faire face à des dépenses moins importantes).

Il est vrai que depuis 15 ans, à l’instar de ce qui s’est passé en Europe, Genève a copié le modèle ambiant, à savoir qu’en cas de besoin de financement non couvert par l’impôt, il a été recouru à l’endettement massif.

C’est ainsi que Genève connaît l’endettement le plus fort des quelques (rares !) cantons suisses qui ont encore des dettes.

Solution simple

Chaque fois que les politiques veulent modifier la loi fiscale, ils invoquent un besoin de couverture de dépenses et veulent modifier tel ou tel aspect de la législation fiscale genevoise.

Mais jamais ils n’ont recouru à l’instrument simple, et pourtant prévu pour cela, à savoir modifier le centime additionnel cantonal.

En d’autres termes, si le canton doit faire face à un besoin de financement, il devrait faire comme chaque commune, c’est-à-dire que face à un futur budget déficitaire il doit demander à augmenter ses recettes, soit d’augmenter le centime additionnel pour couvrir ses dépenses supplémentaires.

De même, lorsque les dépenses diminuent, le centime additionnel doit être réduit.

Point n’est besoin de recourir à des changements législatifs compliqués, qui s’avèrent le plus souvent intempestifs et que l’on doit recorriger malgré que ceux-ci aient été pourtant déclarés comme indispensables. Il suffit de modifier le centime additionnel cantonal.

Lorsqu’un quidam ne cesse de recourir aux tribunaux, l’on parle d’une recourite, mais force est de constater qu’en ce qui concerne nos édiles, ceux-ci ont la « législatite aiguë »; un besoin maladif de modifier continuellement et au gré de l’ambiance qui prédomine les dispositions légales.

C’est ainsi que depuis 15 ans à Genève l’on navigue à vue, au lieu de fixer une destination et de changer le régime du moteur par le biais d’une modification du centime additionnel cantonal sans modifier la direction à suivre à tout moment.

Conclusion

Si par hypothèse, Genève ne pourrait réduire ses dépenses et qu’elle ait réellement besoin de recettes supplémentaires, l’on devrait proposer à la population de modifier le centime additionnel cantonal.

En revanche, si Genève considère que son système fiscal, pourtant mis en œuvre en 2001, puis en 2009, n’est pas satisfaisant, il faudrait alors définir une stratégie et laisser le soin à de véritables experts en fiscalité de produire une loi conforme au but souhaité.

Durant leurs travaux, et si les besoins se font ressentir, une augmentation du centime additionnel pourrait être proposée au peuple genevois, respectivement si la gestion de l’Etat devenait plus rigoureuse (enfin…!) l’on pourrait également proposer une baisse du centime additionnel.

 

Publié le 30 janvier 2012

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