Frais immobiliers, nue-propriété et location

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FRAIS IMMOBILIERS, NUE-PROPRIETE ET LOCATION

 

Lorsqu’un bien immobilier grevé d’un usufruit n’est pas réservé pour son usage propre par l’usufruitier, mais loué à un tiers, la question de la déduction des frais d’entretien suit-elle la même logique que lorsque le bien est à usage propre ?

Lors de la précédente chronique, les règles d’attribution des frais d’entretien déductibles pour l’usufruitier, respectivement le nu-propriétaire en cas d’utilisation propre du bien immobilier par l’usufruitier ont été détaillées.

 

Rappel des règles d’attribution des frais déductibles pour un immeuble à usage propre

a)      Les frais d’entretien usuels sont à la charge de l’usufruitier, tandis que les travaux excédant les frais d’entretien usuels sont à la charge du nu-propriétaire.

b)      C’est la règle de répartition prévue par le Code civil suisse entre le nu-propriétaire et l’usufruitier qui doit faire foi indépendamment de toute convention contraire (et nonobstant que les conventions contraires puissent être conclues entre les parties pour des raisons civiles et non pas fiscales).

c)      Le principe général en droit fiscal impose un lien nécessaire et indissociable entre un revenu imposable et la charge déductible.

Toutefois, ce principe connaît des exceptions. Il en va notamment ainsi en cas d’usufruit. En effet  les travaux extraordinaires que doit supporter le nu-propriétaire de l’immeuble  peuvent être déduits par ce dernier, alors même qu’il ne paie aucun impôt sur le revenu immobilier.

d)      Les frais de rénovation (qualifiés de frais d’entretien) qui excèdent les frais usuels d’entretien sont déductibles par le nu-propriétaire dans le cadre de sa déclaration.

Immeuble loué à un tiers

Un immeuble dont le propriétaire (respectivement l’usufruitier) ne s’est pas réservé l’usage sera dans la plupart des cas loué à une tierce personne sur la base d’un bail.

Les dispositions contractuelles du bail devront faire l’objet d’un examen attentif, car dans une telle occurrence, il n’y a pas une convention entre le nu-propriétaire et l’usufruitier mais entre l’usufruitier et le locataire.

Selon les cas, les dispositions du bail ou d’éventuelles clauses additionnelles au bail peuvent prévoir des règles spécifiques aux travaux :

  • devant être entrepris
  • ou que souhaiterait entreprendre le locataire

Un contrat de bail pourrait prévoir une clause contractuelle stipulant par exemple :

« Travaux effectués par le locataire : …. le bailleur autorise d’ores et déjà le locataire … à entreprendre tous travaux de rafraîchissement et/ou de rénovation de la chose louée qui ne relèveraient pas d’une transformation structurelle de celle-ci. Ces travaux seront intégralement pris en charge par le locataire, pour autant qu’ils puissent être amortis sur une période de 20 ans … ».

Ainsi, le locataire serait, d’ores et déjà, autorisé par l’usufruitier à entreprendre tous les travaux de rafraîchissement et/ou de rénovation de la chose louée.

Par contre si la transformation touche à la structure du bâtiment, il serait impératif pour le locataire d’obtenir l’agrément du propriétaire qui se trouverait être dans cette occurrence le nu-propriétaire.

Aussi, l’on relève – qu’au vu des dispositions de ce type de bail – que les travaux qui excèderaient l’entretien usuel, seraient à charge du locataire pour autant qu’ils puissent être amortis sur une période de 20 ans.

Dans l’hypothèse où de tels travaux n’étaient pas amortissables sur une période de 20 ans, ils devraient être alors pris en charge en tout ou partie par le propriétaire ; ne s’agissant pas de frais d’entretien usuels (au sens de l’art. 665 CCS) ceux-ci resteraient à charge du nu-propriétaire.

En résumé la déductibilité des travaux entrepris serait la suivante :

  • pour les travaux d’entretien usuels : déductibles chez l’usufruitier sauf à ce que le bail prévoit de les faire supporter au locataire  (ceux-ci ne seront donc plus déductibles car le locataire ne peut déduire des frais d’entretien d’un bien pris à bail !)
  • pour les travaux d’entretien qui excèdent les frais d’entretien usuels mis à charge du locataire selon une disposition expresse du contrat de bail (cf par exemple la clause évoquée ci-avant) : pas déductibles car le locataire ne peut déduire des frais d’entretien d’un bien pris à bail !
  • pour les travaux d’entretien qui excèdent les frais d’entretien usuels mais ne pouvant pas être mis à charge du locataire selon une disposition expresse du contrat de bail (cf par exemple la clause évoquée ci-avant lorsque les travaux ne sont pas amortissables sur une période de 20 ans) : déductibles chez le nu-propriétaire (selon la règle de base rappelée pour les immeubles à usage propre)
  • pour les travaux à plus-value (non considérés comme travaux d’entretien) : à charge du nu-propriétaire mais non déductibles (mais il conviendra d’en tenir compte en cas de revente du bien immobilier au titre des « impenses » venant augmenter, le cas échéant, le prix d’acquisition du bien vendu).

Immeuble loué au nu-propriétaire

Quant est-il lorsque l’usufruitier loue le bien immobilier à un tiers qui se trouve être le nu-propriétaire ?

Il sied d’appréhender les conséquences d’une telle location qui, en réalité, est plus fréquente que l’on ne le pense.

Aux fins de comparaison, il sera repris l’exemple du bail contenant des dispositions particulières telles que citée ci-avant lors d’une location à un tiers (qui n’est pas le nu-propriétaire).

La déductibilité des travaux entrepris suivra alors la logique suivante :

  • pour les travaux d’entretien usuels : déductibles chez l’usufruitier sauf à ce que le bail prévoit de les faire supporter au locataire  (ceux-ci ne seront donc plus déductibles car le locataire (fut-il nu-propriétaire du bien loué) ne peut déduire des frais d’entretien d’un bien pris à bail !)
  • pour les travaux d’entretien qui excèdent les frais d’entretien usuels mis à charge du locataire selon une disposition expresse du contrat de bail (cf par exemple la clause évoquée ci-avant) : déductible chez le nu-propriétaire car en l’occurrence comme il ne s’agit pas de frais d’entretien usuels (au sens de l’art. 665 CCS) ceux-ci restent à charge du nu-propriétaire (en l’occurrence le locataire …) en application du principe général.
  • pour les travaux d’entretien qui excèdent les frais d’entretien usuels mais ne pouvant pas être mis à charge du locataire selon une disposition expresse du contrat de bail (cf par exemple la clause évoquée ci-avant lorsque les travaux ne sont pas amortissables sur une période de 20 ans) : déductibles chez le nu-propriétaire (selon la règle de base rappelée pour les immeubles à usage propre)
  • pour les travaux à plus-value (non considérés comme travaux d’entretien) : à charge du nu-propriétaire mais non déductibles (mais il conviendra d’en tenir compte en cas de revente du bien immobilier au titre des « impenses » venant augmenter, le cas échéant, le prix d’acquisition du bien vendu)

Conclusion

En ce qui concerne la méthode de déduction des frais excédant les frais d’entretien usuels pour le nu-propriétaire (locataire ou non), il convient de se référer à la méthode préconisée figurant dans la précédente chronique.

Enfin, suivant l’état du bien immobilier et la forte probabilité de survenance de travaux « obligés » d’entretien excédants les frais d’entretien usuels, le choix (ou le maintien) d’une dichotomie entre usufruitier et nu-propriétaire devrait être appréhendé à l’aune des liquidités de chacune des parties

Publiée le 30 mai 2016

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Par Maître Michel, LAMBELET Avocat – expert en fiscalité.

Tout l’immobilier, la Chronique de l’AGEDEC, (Association genevoise pour la défense du contribuable), association créée en 2005 dont les membres fondateurs ont été Monsieur et Madame LARPIN ainsi que Me LAMBELET. Formulaire d’adhésion en ligne sur : WWW.AGEDEC.CH

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