M. Hiler, errare humanun est, perserverare diabolicum !

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Les instructions données par le chef du Département des Finances à l’Administration fiscale dans le cadre du traitement des demandes de révision de la déduction pour couples mariés sont dommageables pour l’ensemble des contribuables genevois, et cela sans aucune raison objective.

Rappel: 10 ans de combat et 3 conseillers d’Etat

Durant l’été 2000, Madame Micheline CALMY-REY, Conseillère d’Etat chargée des finances du canton de Genève, avait introduit le système du « rabais d’impôt » dans lequel avait été placé la déduction pour double activité lucrative; cela était contraire au droit fédéral et bien entendu en défaveur de l’ensemble des contribuables mariés exerçant une double activité.

Selon l’article 20 LIPP-V, les effets de la nouvelle loi initiée par Mme CALMY-REY devait faire l’objet d’une évaluation externe après les travaux de taxation de la période fiscale 2001.

Un rapport d’évaluation de la LIPP a été publié en décembre 2003; lequel rapport attestait du mauvais positionnement de la déduction en cas d’activité lucrative des deux conjoints.

Suite à ce rapport, le Conseil d’Etat (en l’occurrence Madame BRUNSCHWIG GRAF, Conseillère d’Etat chargée du Département des Finances à l’époque) n’a rien fait et n’a pas édicté de règlement provisoire en application de l’article 72 alinéa 2 loi d’harmonisation des impôts directs.

En septembre 2006, l’on a pu lire, sous la plume de Monsieur David HILER, chef du Département des Finances, une déclaration selon laquelle « la prise en compte de l’activité des deux conjoints doit prendre la forme d’une déduction sur le revenu (détermination de l’assiette fiscale) et n’a donc pas sa place dans le rabais d’impôt »; nonobstant cela, Monsieur HILER n’a toujours pas édicté de règlement provisoire bien que 37’757 contribuables genevois soient concernés selon ses propres écrits.

Suite au recours d’un contribuable déposé à l’encontre de sa taxation ICC 2005, la Commission cantonale de recours a rendu en mars 2009 une décision qui stipulait l’illégalité du positionnement de la déduction pour couples mariés.

Cette décision ayant fait l’objet d’un recours, le Tribunal administratif a confirmé en février 2010 que la déduction pour couples mariés, comprise dans le rabais d’impôt, contrevenait aux dispositions fédérales et invitait formellement le Conseil d’Etat à prendre des dispositions réglementaires y relatives.

Cette décision ayant fait également l’objet d’un recours, le Tribunal fédéral a été amené à confirmer en novembre 2010 les décisions des instances précédentes.

Enfin, en date du 1er décembre 2010, le Conseil d’Etat a arrêté un règlement concernant la nouvelle déduction en cas d’activité des deux conjoints pour les périodes fiscales 2001 à 2009.

Du fait de la publication du nouveau règlement par le Conseil d’Etat en date du 8 décembre 2010, l’AGEDEC – au regard de ses buts et compte tenu du nombre de contribuables concernés (plus de 30’000) – a adressé une demande de révision, notamment pour l’ensemble des contribuables genevois concernés, le 18 janvier 2011; cette demande ayant été rejetée par l’Administration, un recours a été formellement déposé auprès du Tribunal administratif le 15 avril 2011.

Avantage d’une demande globale

Comme cela avait été expliqué notamment dans une précédente chronique (Tout l’immobilier n°573 du 31 janvier 2011), une demande d’une remise globale visait une économie de procédure tant pour les contribuables, que pour l’Administration.

Autres demandes

Certains contribuables ayant agi de leur côté par le biais d’une demande de révision les concernant personnellement, il avait été expressément mentionné sur ce type de demande qu’elle était subsidiaire à la demande déposée par l’AGEDEC et qu’il convenait que l’Administration sursoie à rendre des décisions afin d’éviter une hémorragie de procédures.

Toutefois, l’Administration a systématiquement donné des réponses négatives aux demandes de révision, obligeant chacun des contribuables concernés à déposer formellement une réclamation contre la décision négative reçue d’une part, mais elle a encore systématiquement rejeté les réclamations, obligeant par là les contribuables à déposer formellement leur dossier par devant le Tribunal administratif de première instance.

Les effets d’une telle politique sont les suivants:

  • Un surcroît de travail pour l’Administration, qui a par ailleurs dû allouer des ressources supplémentaires pour traiter ces réponses aux demandes de révision.
  • L’Administration a également dû allouer ensuite des ressources supplémentaires pour traiter les demandes de réclamations formelles (ouverture de dossier, etc.).
  • L’Administration a de plus alloué des ressources supplémentaires pour adresser des réponses négatives sur les réclamations à chacun des contribuables concernés (en considérant que l’Administration faisant face à une demande de révision portant très souvent sur 9 années (2001 à 2009), elle a donc répondu et ouvert un dossier pour chaque année, soit 9 réponses pour chaque demande de révision).
  • Les contribuables ayant reçu une décision négative sur leur réclamation doivent alors, pour sauvegarder leurs droits, déposer leur dossier auprès du Tribunal administratif de première instance et faire une avance de frais de CHF 500.-

Acharnement coûteux et inutile

Pourquoi un tel acharnement du chef du Département des contributions publiques dans la mesure où une demande globale a été déposée et l’on peut fort bien comprendre qu’il ne soit pas d’accord avec les conclusions de l’AGEDEC, et alors laisser les tribunaux décider si effectivement une demande de révision est possible ou non.

Point n’est besoin de traiter des centaines (milliers ?) de dossiers, multipliés par 9 années prises en considération.

Un seul dossier, comme cela a été demandé et fait par l’AGEDEC, suffit.

Ce d’autant plus que tous les frais de traitement sont en fait à charge des contribuables, puisque le Département des Finances émarge au budget global de l’Etat, couvert notamment par les impôts de tout à chacun.

En bref, non seulement en sachant pertinemment bien que la loi est illégale, l’on a grugé les couples mariés exerçant tous deux une activité lucrative depuis de nombreuses années en les surtaxant, mais encore lorsque ceux-ci réclament le remboursement de l’indu, l’on considère que leur demande est infondée d’une part, et l’on fait encore en sorte qu’il y ait des frais exorbitants tant pour l’Administration (frais couverts par les contribuables en définitive), que pour les contribuables eux-mêmes, d’autre part.

Pourquoi un tel acharnement alors qu’il suffisait d’attendre la décision qui serait rendue en bout de course par le Tribunal fédéral sur la possibilité, ou non, pour les contribuables de voir leur taxation enfin régularisée par la voie de la révision (pour ceux qui n’avaient pas pu bénéficier d’une taxation conforme ou qui, par chance ou par retard, n’avaient pas vu leur(s) taxations(s) traitée(s) avant le mois de décembre 2010).

Conclusion

Les débauches d’énergie et de procédures créées par les services de l’Administration qui agissent, rappelons-le, sur instructions du chef du Département des Finances péjorent encore la situation de tous les contribuables, puisque ceux-ci couvrent en définitive tous ces frais inutiles par le biais de leurs impôts.

 

Publié le 24 octobre 2011

 

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