Quand Genève punit les contribuables mécènes !

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Genève punit les contribuables mécènes

 

Les contribuables qui se sont acquittés d’avances excessives sur leurs impôts sont remboursés avec intérêts dérisoires indépendamment qu’on leur facture des intérêts conséquents sur un autre relevé de compte.

Après le coup de Jarnac des députés et de l’ancien Conseil d’Etat ayant conduit à la perception d’intérêts différenciés selon qu’un contribuable est « mécène » (avances excessives d’acompte à l’Etat par rapport à sa taxation) ou « en retard » (contribuables dont la taxation s’avère supérieure au montant des acomptes provisionnels qui lui ont été réclamés), l’AGEDEC avait prévenu que des problèmes surgiraient dans l’application de ces dispositions au regard du modèle que Genève connaissait (établissement de relevé de compte par année de taxation).

Il convient de rappeler que certes, nombre de cantons ont des taux différenciés entre les intérêts en faveur du contribuable pour des avances excessives et les intérêts financiers en faveur de l’Etat pour des acomptes insuffisants, mais que toutefois ces cantons ont renoncé à faire des décomptes par année de taxation au profit d’un décompte unique.

Le canton de Genève persiste quant à lui à recourir à des décomptes par année de taxation.

Schizophrénie et cécité

Indépendamment du fait que tenir un compte par année de taxation au niveau des paiements et des montants dus par un contribuable s’avère être une usine à gaz, cela conduit à un comportement schizophrène, à savoir que la « main droite ignore ce que fait la main gauche ».

En outre, cela conduit à une cécité dès lors que l’Etat feint d’ignorer de disposer d’avances du contribuable lorsqu’il considère une autre année fiscale où le contribuable (nonobstant qu’il ait payé les acomptes provisionnels réclamés) se trouve devoir un montant d’impôt supérieur auxdits acomptes.

La problématique

A titre d’exemple, l’on relatera le cas d’un contribuable recevant ses bordereaux 2011 au mois de février 2014, accompagnés d’un décompte final et relevé de compte au niveau IFD faisant apparaître des trop-perçus.

Suite à la lecture attentive du décompte final afférent aux impôts cantonaux et communaux, l’on constate qu’il y a eu calcul d’intérêts rémunératoires sur acomptes et d’intérêts compensatoires positifs.

Toutefois, ce contribuable, pour une année de taxation antérieure (année fiscale 2008), s’est fait imputer des intérêts financiers (en faveur de l’Etat), puisque ses acomptes n’avaient pas couvert l’entier du bordereau qui lui a été notifié en 2013.

Dans le cadre du relevé de compte afférent à l’année fiscale 2011, ce contribuable a donc payé des excédents d’acomptes durant toute l’année 2011, excédents qui étaient dans les caisses de l’Etat, alors qu’il lui est facturé des intérêts de retard (notamment pour les années 2011, 2012 et 2013) relativement à des acomptes provisionnels insuffisants dont il n’a eu connaissance qu’en 2013 suite à la taxation de son année 2008.

Ainsi, d’une part l’on réclame de l’argent au contribuable avec intérêts (calculés sur 2009 à 2013) pour l’année de taxation 2008 intervenue en 2013, alors que d’autre part l’on indique devoir rembourser au contribuable, dans le cadre de sa taxation 2011 survenue en 2014, un trop perçu en 2011!

Jusqu’à fin 2012, une telle situation ne posait pas trop de problème (hormis la difficulté d’établir lesdits décomptes) dès lors que les intérêts perçus d’un côté et bonifiés de l’autre étaient fixés au même taux.

Depuis le 1er janvier 2013, les intérêts bonifiés sont au taux de 0,5% alors que les intérêts réclamés le sont au taux de 3%.

En conclusion, l’on punit un contribuable qui avance de l’argent à l’Etat puisque l’on ne lui impute pas ses avances sur les sommes qu’il devrait, par ailleurs, dans le cadre d’une autre taxation.

Usine à gaz versus compte unique

Il n’y a aucune raison de tenir des comptes différenciés pour chaque année de taxation, alors qu’un seul relevé de compte sur lequel figureraient les montants versés, respectivement les montants dus, pourrait être établi à l’instar de ce qui se pratique dans les autres cantons.

Ainsi, l’on s’ingénie à Genève de créer des usines à gaz fort couteuses en système informatique, en ressources humaines et en courroux des contribuables, alors que l’on pourrait tout simplement prendre le système pratiqué par un autre canton, tel le canton de Vaud, qui a fait ses preuves.

Compensation

Il est intéressant de relever que le système mis en place suite à la décision des députés et de l’ancien Conseiller d’Etat conduit à ce que l’on fasse une compensation « in fine » (l’Administration ne rembourse les contribuables des trop versés que s’il n’y a pas une autre année déficitaire) en application de l’article 16 du règlement de perception des impôts des personnes physiques et morales, alors que rien ne s’oppose à ce qu’il y ait compensation « ab initio » en application de l’article 16 dudit règlement.

Conclusion

Les députés devaient être conséquents avec eux-mêmes après leur coup de Jarnac lors de la modification de la loi de perception survenue en fin d’année 2012 et auraient dû prévoir parallèlement la mise à niveau du système de calcul des intérêts par la mise sur pied d’un compte unique par contribuable, à l’instar de ce qui se pratique dans les autres cantons.

L’argumentation du manque de moyens ne serait tenir dès lors que l’on peut constater à la publication de la loi de bouclement de la loi 8713 que l’on a dépensé plus de 39 millions de francs pour la modernisation du système d’information de l’Administration fiscale cantonale, partant l’on aurait pu assumer les dépenses visant à la mise à niveau d’un système plus simple et respectueux des intérêts des contribuables, principaux contributeurs des finances publiques.

Publié le 10 mars 2014

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Par Maître Michel LAMBELET Avocat – expert en fiscalité.

Tout l’immobilier, la Chronique de l’AGEDEC, (Association genevoise pour la défense du contribuable), association créée en 2005 dont les membres fondateurs ont été Monsieur et Madame LARPIN ainsi que Me LAMBELET.

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