Réclamation ! Et ensuite ?

icone-pdfChronique 121

 

Lorsqu’un contribuable fait l’objet d’une taxation, il dispose d’un délai impératif de trente jours pour déposer 6une réclamation s’il entend contester son bordereau d’imposition.

L’Administration doit alors se prononcer sur sa réclamation, mais dans quel délai ?

Nombre de contribuables sont étonnés qu’ensuite du dépôt d’une réclamation, ils n’aient reçu aucune nouvelle de l’Administration après de nombreux mois (voire années), hormis un accusé de réception automatique.

La plupart restent donc dans l’expectative et perçoivent cette absence de décision comme un inconfort grandissant avec le temps qui passe.

Délai légitime ou retard injustifié

Quand un contribuable dépose une réclamation auprès de l’Administration, celle-ci en accuse réception, puis ensuite il est indéniable qu’elle doit disposer d’un certain délai aux fins de traiter la réclamation qui lui a été adressée.

Sachant que le contribuable disposait, quant à lui, de trente jours pour faire sa réclamation (sans possibilité de prolongation !), il semblerait normal que l’Administration se voit également fixer des délais pour répondre aux sollicitations légitimes des contribuables.

Alors que la loi de procédure fiscale fixe les conditions dans lesquelles un contribuable peut adresser une réclamation, elle ne fixe aucun délai pour que l’Administration se détermine (« le Département prend, après instruction, une décision sur réclamation…la décision doit être motivée et notifiée par écrit au contribuable »). Toutefois, il y a lieu de se référer à la loi de procédure administrative qui est applicable si la loi de procédure fiscale n’y déroge pas, ce qui est le cas vu l’absence de disposition de la loi de procédure fiscale.

Au niveau du droit administratif, il sied de relever qu’il est considéré qu’un retard injustifié à statuer est une forme particulière du déni de justice, prohibé par la Constitution fédérale.

Habituellement, l’on considère qu’il y a retard injustifié à statuer lorsqu’une autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qui lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi, ou dans un délai que la nature de l’affaire, ainsi que toutes les autres circonstances, font apparaître comme raisonnable.

En l’occurrence, l’article 52 de la loi de procédure administrative prévoit qu’en cas de réclamation l’Administration doit rendre une nouvelle décision dans les soixante jours dès la réception de ladite réclamation.

Ainsi, lorsqu’un contribuable ne reçoit aucune décision sur réclamation dans les soixante jours de son dépôt, il y a lieu de considérer que l’Administration, qui n’a pas préalablement fait valoir une raison quant à son éventuel retard à l’échéance de son délai de soixante jours, se trouve dans une situation de retard injustifié.

Retard injustifié avéré

Du moment qu’un contribuable est confronté à un retard injustifié de l’Administration, que peut-il faire ?

Certes, les dispositions de la loi de procédure administrative stipulent que l’Administration dispose d’un délai de soixante jours pour répondre à une réclamation déposée par le contribuable, mais qu’en est-il si l’Administration ne s’exécute pas ?

La loi de procédure administrative précise encore, dans le cadre du délai accordé à l’Administration, que « si les circonstances l’exigent, l’autorité peut statuer dans un délai plus long; l’administré doit être informé par écrit de cet ajournement et des raisons avant l’expiration du premier délai ».

Ainsi, il ne saurait y avoir retard injustifié si l’Administration a écrit au contribuable pour l’informer qu’elle n’est pas en mesure de rendre une décision dans les soixante jours et qu’elle lui a expliqué les raisons de cette impossibilité de traiter son dossier dans le délai imparti.

Dans la pratique, l’Administration n’adresse jamais de courrier pour informer le contribuable qu’elle ne sera pas en mesure de traiter son dossier dans les soixante jours, en expliquant les raisons.

Aussi, l’AGEDEC préconise qu’après le délai de soixante jours, le contribuable qui souhaiterait que sa réclamation soit traitée, adresse une mise en demeure de statuer à l’Administration fiscale (cf. l’exemple de texte).

Suite de la procédure

Après l’expiration du délai de soixante jours et après que le contribuable ait mis l’Administration en demeure de statuer et que cette mise en demeure soit restée vaine, les dispositions procédurales considèrent « que lorsque l’autorité mise en demeure refuse son droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision ».

Par ailleurs, le contribuable peut également se plaindre d’un déni de justice ou d’un retard injustifié.

Ainsi, à ce stade, le contribuable dispose de deux moyens, à savoir de passer outre le silence de l’Administration et d’adresser directement son dossier à la juridiction supérieure (soit le Tribunal administratif de première instance) en considérant que ce silence est assimilable à un refus de donner suite à sa réclamation, soit il adresse à l’autorité supérieure (en l’occurrence le Tribunal administratif de première instance) une plainte pour déni de justice ou retard injustifié, étant précisé que si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renverra l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives.

Conclusion

L’attente d’une décision sur réclamation par le contribuable n’est pas un mal nécessaire, dès lors qu’il peut se plaindre dès l’échéance des soixante jours d’une absence de décision de l’Administration fiscale.

Cela permet d’éviter qu’un contribuable reste dans l’expectative de nombreux mois, voire de nombreuses années et puisse ainsi – par une démarche proactive – mettre fin à un inconfort injustifié et injustifiable.

Texte d’exemple de mise en demeure de statuer

MISE EN DEMEURE DE STATUER (art. 4 et 52 LPA)Messieurs,

En date du (…), je vous ai adressé une réclamation concernant l’année fiscale (…) (contribuable n°…).

Au regard notamment des articles 2 al. 2 et 86 LPFisc et en application de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985, je viens par la présente vous mettre en demeure de statuer dès lors que le délai pour rendre une nouvelle décision dans le cadre d’une procédure de réclamation prévu à l’art. 52 al. 1 est échu.

Cela étant, dans l’hypothèse où les circonstances l’exigeraient, vous voudrez bien m’informer – en application de l’art. 52 al. 2 LPA – des raisons d’un tel ajournement dans la prise de décision (et cela bien que le délai pour ce faire soit également échu).

En tout état, la présente vaut mise en demeure au sens de l’article 4 al. 4 de la loi sur la procédure administrative.

Vous comprendrez en effet qu’il ne soit pas acceptable que je reste dans l’expectative.

En vous remerciant de donner à la présente la suite qu’elle comporte, je vous prie d’agréer, Messieurs, mes salutations les meilleures.

Publié le 11 novembre 2013

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